Nous nous sommes entretenus avec l’écrivaine camerounaise Béatrice Mendo, dont le recueil de contes L’argent n’a pas d’oreilles vient d’être publié aux éditions Adinkra.
Béatrice Mendo, votre premier recueil de contes, L’argent n’a pas d’oreilles, a été publié le 27 octobre dernier aux éditions Adinkra. Tout d’abord : Pourquoi le conte ?
Le conte fait partie des premiers plaisirs de notre enfance. Il nous ouvre à un univers fantastique aux possibilités illimités, nous offrent des allégories dont la valeur éducative n’est plus à démontrer. Le conte fait partie des premiers récits que se sont partagés les humains, une fois qu’ils ont acquis l’aptitude de parler, et surtout de parler de choses imaginaires. Le registre du conte demeure vivace dans toutes les sociétés, parce que le conte en lui-même est flexible, il épouse les mutations sociétales. Dans plusieurs siècles, les contes existeront toujours, même si on retrouvera peut-être des robots, des extraterrestres et des humanoïdes dedans. Voilà pourquoi j’ai choisi le conte, on y retrouve ce en quoi croit une société et l’héritage moral qu’elle aimerait léguer aux générations futures.

Le recueil de conte L’argent n’a pas d’oreilles est disponible au prix de 5000 F CFA
Le conte parait un genre littéraire impérissable. Il a nourri l’imaginaire des sociétés et traditions orales. Le choix de ce genre a-t-il été poussé par un intérêt particulier ?
L’intérêt particulier du conte tient à la liberté qu’il offre. Liberté de ton, liberté dans le choix des acteurs qui peuvent être des hommes, des animaux, des choses ou des esprits, liberté dans le choix des lieux qui peuvent être le ciel, la terre, le monde des vivants et celui des morts. Matérialité et immatérialité s’imbriquent au gré de l’imagination de l’auteur. C’est un genre qui me permet de partager le bouillonnement de mon imagination, tout en l’inscrivant dans une perspective pédagogique. Avec le conte, on se divertit et on apprend en même temps.
Béatrice Mendo à quel public s’adresse votre recueil et pourquoi ?
Mon recueil s’adresse à tout jeune curieux et passionné de lecture, et aux adultes qui ont gardé leur âme d’enfant, qui sauront percevoir la dimension philosophique de certains récits. Enfin, toute personne friande de récits imagés, évocateurs et édifiant trouvera son compte dans mon recueil de contes. Je n’ai pas hésité à parsemer mes récits d’une touche d’humour, subtil ou épais, qui est ma marque de fabrique.
Vos histoires sont tirées de faits réels, d’anecdotes personnelles ?
A mon avis, c’est bien difficile d’insérer des anecdotes personnelles dans des contes, encore moins de partir de faits réels, à moins qu’on ait l’habitude de bavarder avec des esprits ou des animaux. Le conte, bien qu’il soit porteur de sentences proverbiales qui permettent de réguler la vie des individus, n’est pas contraint par l’existence de faits réels. Cette distanciation vis-à-vis de ce qui est et a existé est recherchée et donne toute sa saveur et tout son mystère au conte.

« Le conte, bien qu’il soit porteur de sentences proverbiales qui permettent de réguler la vie des individus, n’est pas contraint par l’existence de faits réels. » Béatrice Mendo, auteure
Improvisez-vous au fil de l’histoire ou connaissez-vous la fin avant d’écrire ?
Le fil directeur du conte, c’est sa moralité, c’est-à-dire la pilule de sagesse qui clôture le récit. Nous cheminons donc vers cette conclusion, en nous permettant quelques rebondissements qui rendent le récit encore plus captivant. Il est bien difficile d’improviser dans un conte, puisque c’est un récit qui permet la mise en place et le partage d’une maxime, d’un adage ou d’un proverbe populaires, bref déjà connus. On sait donc où on va arriver, mais on a la possibilité de rendre son voyage des plus édifiant et captivant. Bien qu’il s’achemine tranquillement vers une fin plus ou moins évidente, le parcours n’est point un fleuve tranquille. C’est mon travail à moi d’agrémenter ce parcours vers le sens commun. Un exemple, quand on dit « ventre affamé n’a point d’oreilles », on peut tisser des milliards de récits avec des anecdotes riches qui permettront de mettre cet adage en exergue.
Qu’espérez-vous comme rebondissement au travers de ce livre ?
J’espère vivement que les gens se remettent à lire les contes, si jamais ils avaient arrêté, peut-être parce que les trouvant ringards. J’ai écrit ces contes justement pour qu’on réalise que les contes ne seront jamais ringards, que chaque société avance avec les contes qui lui siéent.
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On a tendance à considérer comme littérature que ce qui est écrit en oubliant que de nombreuses formes narratives se sont épanouies uniquement de façon orale. Envisagez-vous des représentations sur scène ?
Ce n’est pas évident de mettre des contes en scène, si jamais cela devait se faire, je m’effacerai devant l’avis de professionnels. Il n’y a pas que la scène, il y a la bande dessinée filmée qui pour moi est une alternative encore plus intéressante, qui permet à l’individu d’avoir un support imagé qu’il pourra consulter selon ses envies. En attendant, je souhaite que le plus grand nombre puisse lire mon recueil.

Votre écriture est-elle influencée par d’autres acteurs ?
Mon écriture est influencée par mon imagination, qui se nourrit elle aussi des choses vues et entendues, parmi lesquelles de nombreux acteurs ont certainement une place.
Ines Amougou
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