Entretien avec Laurentine Zambo, essayiste et travailleuse sociale, qui propose la valorisation de notre culture par le digital.
Bonjour Laurentine Zambo, pouvez-vous nous parler de votre parcours ??
Bonjour ! Merci de me donner la parole. Je suis née au Cameroun à la fin des années 70, d’une mère adolescente et d’un père jeune adulte non déclaré. C’est ma grand-mère maternelle Ndzie Ndi Elisabeth qui m’a instruite puis éduquée. Après mes études, j’ai décidé d’ouvrir une école maternelle et primaire dans une zone rurale. pour moi, il était question de donner la chance aux enfants des zones rurales d’avoir les mêmes chances que ceux de la ville au niveau de l’éducation et de l’instruction. Cette école, malgré mon départ pour le canada, continue sa mission dans la ville de Mbankomo. Je suis parti du Cameroun avec mes deux enfants âgés de 4 et 7 ans pour rejoindre mon mari( français d’origine) et résident permanent au Canada en 2010. Évidemment, depuis, je vis un choc culturel dû à la différence de paradigme. Je perds mes repères et je suis face à un dilemme.
Comment êtes-vous intéressée aux questions de médiation culturelle, multiculturalité, de parentalité et de développement personnel ?
Comme je l’ai dit plus haut, j’ai été éduquée et instruite dans un paradigme différent et je suis arrivée dans un pays qui avait une autre vision de la vie et de l’éducation. Il fallait que je trouve un équilibre entre ce que j’avais toujours connu et la nouveauté devant moi. J’avais des enfants qui recevaient une instruction différente de la mienne et mon rôle de parent devenait compliqué. J’ai compris qu’à cette allure ce sont mes enfants qui allaient à la fois m’éduquer à l’occidental et m’instruire à la québecoise. Pour que cela n’arrive pas, il a fallu que je fasse mes devoirs et que je cherche à comprendre d’abord ma propre culture et ensuite comprendre la culture de l’autre en l’occurrence la société nord-américaine.
Il a fallu que je cherche à comprendre d’abord ma propre culture et ensuite comprendre la culture de l’autre. J’ai commencé par travaillé développement personnel, parentalité et médiation interculturelle
Pour que ce travail soit le plus objectif possible, J’ai commencé par travaillé sur moi ( le développement personnel), puis de définir mon rôle de parent et les lois qui entourent ce rôle ( la parentalité) et enfin interagir avec tous ceux qui gravitent autour de ma famille( médiation interculturelle). finalement, de bouche à oreille, les autres parents ont commencé à me demander de les aider, puis les professionnels aussi et c’est ainsi que tout est parti.
Vous êtes auteure de deux ouvrages, J’ai une leçon à donner à la vie en tant que femme et Parentalité et multiculturalité- penser « la nouvelle grammaire de l’intégration » des immigrés au Canada. De quoi est-il question dans ces deux ouvrages ?

Les ouvrages Laurentine Zambo
J’ai une leçon à donner à la vie en tant que femme est un essai anthropologique qui retrace la vision de la femme que je suis par rapport à sa culture. C’est mon regard de l’Afrique observée par une africaine et qui apporte une autre vision du savoir vivre, du savoir-faire et du savoir-être des africains dans leur plus simple expression: l’amour de l’humain en accord avec les lois de la nature et de l’univers.
Pour parlez beaucoup de « reconnexion », « retour aux sources ». Et la mondialisation dans tout ça…
C’est important de retourner aux sources de la vie. C’est là que tout à commencer et donc que tout a été expérimenté.
C’est en retournant aux sources que nous allons découvrir ces lois et principes et les appliquer selon notre temps et nos besoins.
L’homme est né quelque part, y a survécu puis est allé conquérir la terre entière. Donc cet homme premier a tout expérimenté à découvert les lois et principes qui guident l’univers. À un moment donné, il a connu des difficultés et des états de crise. C’est en retournant aux sources que nous allons découvrir ces lois et principes et les appliquer selon notre temps et nos besoins. La mondialisation est un leurre parce que la nature elle-même n’est pas identique. Elle est unité de la différence. C’est un tout composé de tout. Donc il est impossible de prétendre avoir un seul et même système de penser. Un monde unipolaire est voué à l’échec. Regardons juste la nature comme elle est belle de ses différentes.
Dans un contexte social et culturel où les frontières entre les pays, les langues et les cultures disparaissent par la force de la digitalisation accélérée du monde, quelle démarche concrète proposez-vous pour une « reconnexion », un « retour aux sources » sans collision ni rupture ?
La digitalisation est la meilleure chose qui nous soit arrivée pour le retour aux sources. parce que maintenant il est possible de visiter tous les pays du monde assis devant son ordinateur. Concrètement, je propose la valorisation de notre culture par le digital. mon troisième livre justement est un essai initiatique avec la rigueur scientifique pour expliquer le paradigme africain à toute personne qui veut faire un retour aux sources. Ensuite, ce livre est accompagné d’un jeu de société africain que j’ai appelé AKI NGOSS ( l’œuf primordial) en fang. Ce jeu permet aux parents de partager en famille des moments de partage et d’éducation ludique. Il est fait à partir de noix de coco et des palmistes. Le palmier pour l’africain est l’arbre de vie. Il y a aussi Si EYO qui est composé d’un peigne sculpté d’une tête homme(MOTBINAM), d’une tête femme(MINGA) et d’une barrette sculptée Afrique (KAMA) dans sa vraie position. Ce trio est fait en bois d’ébène royal, le tout mis dans un sac en obom( tissu végétal). Ceci oblige le questionnement et un travail de recherche pour comprendre certains secrets et mieux comprendre sa culture. Me reconnecter ne veut pas dire que je rejette l’autre, mais on contraire je m’accepte et me respecte. C’est l’unique façon d’accepter l’autre et de le respecter. On ne peut donner à l’autre ce qu’on n’est pas encore moins ce qu’on a pas.

Ma collection Dark Is Light est justement une collection de bijoux en pierre végétale pour montrer au monde entier que le génie créatif africain peut rivaliser dans tous les 7 arts qui existent à partir de la nature. Tout y est.
Quelles sont les valeurs qui, selon vous, devraient définir les jeunes générations africaines en général, et camerounaises en particulier ?
La première des valeurs est la responsabilité.
Chaque africain doit se sentir responsable de la réussite ou de l’échec de l’Afrique. Chacun à son niveau doit savoir que c’est une responsabilité pour lui d’assurer la survie de la race noire, peu importe l’endroit sur cette terre qu’il est.
La deuxième valeur c’est l’autonomie. L’autonomie en tout.
Il est important de revenir à l’éducation de base par l’autonomisation de l’être dans sa pensée, sa spiritualité, et ta vision du monde. Tout est à l’intérieur de nous.
La troisième valeur est l’effort supplémentaire.
Oui en période de crise, il faut un effort supplémentaire pour survivre. Tu ne peux pas te contenter de faire le minimum requis. Non tu dois faire plus pour réussir à passer au travers d’une crise.
La quatrième valeur est la valorisation du savoir ancestrale.
Notre spiritualité est authentique et basée sur les lois et principes de l’univers et de la nature. Elle est faite pour nous et par nous . Elle ne peut que être bénéfique pour notre salut.
La cinquième valeur est l’unité.
Tout africain doit pouvoir compter sur tout africain car nos destins sont intimement liés.
Ce n’est qu’en étant uni que nous pouvons peser sur l’échequier international.
Laurentine Zambo : donneuse de leçon, coach de vie, coach en développement personnel et/ou influenceuse ?
Rien de tout cela. Laurentine Bienvenue Zambo Alex est juste une femme qui remplit sa mission de vie.
Vendre la vie dans tout ce qu’elle a de sacré.

Concrètement quelles sont les outils ou les pratiques que vous mettez en œuvre au quotidien afin que votre vision et les valeurs que vous pourfendez se matérialisent au Canada où vous vivez, et au Cameroun votre pays d’origine ?
J’écris pour que chacun de mes lecteurs retiennent au moins une chose nouvelle à la fin de sa lecture d’un de mes livres.
Je valorise le savoir faire des africains par la création de produits dérivés comme des peignes faits à la mains par des artisans.
Le peigne est non seulement un objet d’art, mais aussi la symbolique d’une arme.

Minga peigne de la collection « lesepinesdemarosenoire » de Laurentine Zambo
Le cheveu africains est une arme qui est utilisée contre les africains. Il est temps que chaque africains apprennent le rôle que jouent les cheveux dans la lutte pour la survie des autres peuples.
Je recrée des jeux ancestraux que je travaille au goût du jour pour permettre une meilleure adaptation à la réalité actuelle.
J’espère dans les années avenir ouvrir une galerie d’art africain à Québec.
Au Cameroun , Le Groupe Scolaire Bilingue Saint Raphael Archange travaille avec les jeunes pour les intéresser à la protection de l’environnement. Il y a des classes agricoles qui vont commencer aussi et la valorisation du cheveu naturel et des métiers ancestraux tels que la vannerie, la sculpture, la poterie et tous les métiers agropastoraux dans le respect de la faune et de la flore.
Dans le but de s’intégrer socialement et culturellement dans un nouveau sociotope, lorsqu’on est en permanent mouvement dans le monde, quels conseils pratiques pourriez-vous donner, brièvement, à ceux qui liront la présente interview ?
De s’instruire au quotidien et de s’intégrer pour mieux comprendre la culture dans laquelle on vit et faire un comparatif.
Tu ne peux pas savoir si c’est bon ou mauvais, bien ou mal si tu n’as pas goûté. Je ne veux pas dire de faire exprès, mais il faut connaitre la culture d’accueil et le seul conseil que je peux donner c’est d’aller dans les campagnes , c’est là que tout se passe.
Merci pour ce bel entretien .

Propos recueillis par Baltazar Atangana Noah.
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