Entretien Valérie Passeport, la fondatrice de l’ONG Tamounte en activité en Afrique depuis plus de 15 ans. Son principal programme actuel est l’autonomisation des centres de récupération nutritionnelle par l’agroécologie au Burkina-Faso.
Salut Valérie Passeport, pouvez-vous vous présenter en quelques mots?
C’est une question très difficile. Je suis enseignante en histoire-géographie. Diplômée de géographie des territoires que j’enseigne également à l’université. Je suis « tombée » dans l’humanitaire depuis plus de 20 ans pas vraiment par choix surtout par beaucoup de hasard. J’ai eu le privilège de faire des rencontres des personnes exceptionnelles qui ont changé ma vie. Je pourrais citer tellement de personnes ! Certaines sont toujours présentes à mes côtés d’autres ont poursuivi leur route mais ils ont tous marqué l’histoire de notre ONG. J’ai eu l’opportunité de conduire un programme au Maroc, qui s’est achevé il y a 10 ans par l’installation d’une coopérative agricole multi diversifiée. J’ai remplacé au pied levé une ONG qui a quitté ce village, car elle ne pouvait plus assurer ce projet.
Ma force c’est ma famille essentiellement qui m’a toujours soutenu dans toutes ces aventures parfois très complexes.
Vous êtes fondatrice de l’Ong internationale Tamounte. Pouvez-vous nous exposez en quoi consiste le travail des équipes de Tamounte à travers le monde en général, et en Afrique spécifiquement?
Je suis effectivement fondatrice de cette ONG, mais je ne travaille pas seul cela serait impossible. J’ai toujours eu autour de moi des gens qui se sont impliqués quasi systématiquement et bénévolement qui ont effectué un travail remarquable. J’ai toujours fonctionné avec des gens qui nous donnent des compétences spécifiques pour des parties spécifiques des programmes et surtout en gouvernance partagée. Ce qui permet à tout un chacun de pouvoir s’épanouir dans un axe de développement qu’il choisit. En « co-construction », on discute tous souvent notamment avec les parties prenantes. L’ONG Tamounte est une vaste sphère de compétences. C’est le socle. Sans la présence de toutes ces compétences au sein de l’ONG, nous n’aurions jamais pu rien faire. Je me vois un peu comme un chef d’orchestre.
Comment organisez-vous, avec vos équipes, votre travail dans les zones d’intervention concernées ?
Avant tout, on s’organise en suivant les compétences de chacun. Cela permet à chacun de s’approprier une petite partie du programme. Le but au-delà de tout est aussi que chaque personne puisse y trouver du plaisir. Chacun peut faire des propositions spécifiques et se positionner sur un chronogramme global. Mais on s’organise également en fonction de nos disponibilités, car tout le monde est bénévole. Chacun donne son ton au-delà de ses journées de travail. Ce n’est pas toujours facile.
On jongle parfois, mais nous finissons par réussir. Durant le mois de septembre, j’ai eu le privilège d’étoffer mon équipe par un appel au recrutement bénévole sur le réseau LinkedIn. Je suis stupéfaite de la quantité de propositions que j’ai eu uniquement en bénévolat. C’est ainsi que l’organigramme de l’ONG s’est totalement transformé.

Quelle est la stratégie de votre Ong au niveau du choix des différentes zones d’intervention ?
Globalement dans les deux cas au Maroc et au Burkina Faso, ma zone d’intervention a été un peu le fruit du hasard.
Au Maroc, c’est en voulant initier de jeunes étudiants à l’humanitaire que j’ai choisi le site où nous avons travaillé pendant plus de 10 ans dans la région de Ouarzazate. Les gens parlent en français et la zone était sécurisée. Cela était donc un site particulièrement facile pour nous. Ce qui m’a plu également dans ce site au Maroc c’est que c’était un tout petit village, très isolé et il était donc facile de pouvoir avoir une action ciblée et impactante.
Au Burkina Faso c’est également une rencontre qui a lancé tout le projet lors d’un voyage, où j’étais venu visiter des fermes à spiruline ; car, nous étions en train d’en installer une au Maroc j’ai rencontré la responsable du CREN Madame Kando à Réo. J’ai été bouleversée par sa volonté face au dénuement du centre. Elle m’a alors demandé qui j’étais, ce que je faisais et je lui ai alors promis de trouver des solutions. Ce que nous avons globalement fait ces dernières années.
Le Burkina c’est un pays de contraste plus difficile que Le Maroc, car les conditions sont beaucoup plus rudes mais il est indéniable que y travailler est extrêmement plus important pour les populations.
L’application des opérations de votre Ong n’est-elle pas rendue compliquée avec l’afflux des acteurs humanitaires qui sont déjà sur place ?
Ma réponse est non catégoriquement, car il y a malheureusement de la place absolument pour tout le monde. Il y a tant de problématiques à régler pour un pays entier que nous avons tous malheureusement la possibilité d’y travailler. Il y a également de la place pour tout type de compétences dans tous les axes du développement. Nous ne sommes concurrents de personne, nous sommes dans une niche, car nous ne sommes pas très grands. J’aime travailler en micro-projet pour connaître les gens ,les sites et les partenaires y suivent les projets.
Nous ne sommes pas concurrents, bien au contraire c’est en créant des synergies que nous pouvons avancer plus vite.
Votre ONG Tamounte agit en Afrique dans les domaines du développement, sensibilisation au pratique agro-écologiques, la sécurité alimentaire, l’amelioration du revenu des populations, la préservation de la biodiversité. Est-il possible qu’une Ong agissant dans ces mêmes domaines puisse collaborer avec Tamounte pour la mise en œuvre d’un projet commun?
La réponse est oui. J’essaie systématiquement de faire en sorte que nous puissions trouver des partenaires en échange de compétences, en échange de contacts et en partage d’informations. Nous ne sommes pas concurrents comme je l’ai dit tout à l’heure, bien au contraire c’est en créant des synergies que nous pouvons avancer plus vite. C’est également en créant des synergies que nous pouvons éviter de se marcher sur les pieds et de gaspiller des fonds qui sont complexes à trouver.
Je trouve même dommage que nous ne communiquions pas. C’est souvent difficile, chacun à la tête dans son programme et il est vrai qu’au fond chacun fait bien attention à ses sources de financement. S’il y avait plus de cohérence on pourrait sans doute même aller plus vite.
Quels sont les projets phares de Tamounte ? Quelles sont ses principales zones d’intervention ?
Au niveau de la zone d’intervention c’est uniquement le CREN de Réo. Mon objectif et que le programme global que nous appelons ACRENA (ACRENA ONG TAMOUNTE : Autonomisation des Centres de Récupération Nutritionnelle par l’Agroécologie).

Je reste concentré sur le CREN, car il y a 250 familles plus 116 orphelins !
Que nous n’ayons pas encore terminé l’objectif étant que chacune de ces familles puisse en permanence avoir accès à de l’eau potable de l’irrigation et un lopin irrigué. En plus de cela, nous voulons également que les gens puissent avoir en permanence du moringa en soutien nutrition et Artemisia pour la lutte contre le paludisme.
Il n’est pas question de quitter le site tant que tout ne fonctionnera pas parfaitement et que les gens n’auront pas atteint l’autonomisation complète. Cela demande évidemment un gros travail de suivi permanent et ce sont les missions des différents membres de l’ONG.
Selon vous, quels sont les principaux risques, défis et les challenges de l’humanitaire aujourd’hui?
Le principal risque est évidemment le risque sécuritaire. Il y a de nombreuses zones, même au Burkina Faso, où les ONG ne peuvent plus se rendre malgré leur volonté. On ne peut plus circuler comme autrefois et c’est bien dommage. C’est pour cela que dans notre cas nous avons recruté un « security advisor » dont le rôle est de pouvoir nous guider en cas de déplacements et de sécuriser ces derniers. Mais évidemment cela nous freine car cela rend les relations avec les populations beaucoup plus complexes. Il n’est plus question de s’installer plusieurs jours dans un village avec les populations. Nous ne craignons pas évidemment nos bénéficiaires mais des personnes extérieures qui pourraient s’en prendre à nous.
Et en période COVID, avec les restrictions de mouvements… Durant le COVID, je n’ai pas vu je n’ai pas eu de difficultés à circuler puisque j’étais au Burkina Faso. Le problème du COVID n’était même pas un problème pour des gens qui, parfois, n’ont rien à manger. J’ai parfois été confronté à des épidémies bien plus graves c’est à moi de faire attention en permanence.
Les défis de Tamounte…
Le défi et de trouver des donateurs c’est de plus en plus compliqué et plus la situation sécuritaire est complexe plus c’est difficile. Les donateurs ont peur que leur financement n’atteigne pas les bénéficiaires. Ils craignent également que l’argent puisse servir à des activités illicites.
Cependant, je suis persuadée que justement en aidant les populations à s’intégrer dans leur propre village et à avoir des activités économiques qui leur permettent de vivre, les gens évitent ensuite d’être attiré vers des activités parallèles dangereuses.
Dans les prochaines années, comment voyez-vous l’humanitaire ?
J’aurais aimé dire que les ONG auront disparu et que tout ira bien. Malheureusement, c’est véritablement mal parti. Je pense qu’il faudrait surtout avoir la capacité de mieux s’organiser pour avoir des projets peut-être plus simples, plus ciblée, plus locaux et plus à l’écoute déjà j’ai souvent l’impression que les très gros projets sont des éléphants blancs.
Doit-on envisager ou s’attendre à des ruptures ou plutôt à une continuité?
Il est évident qu’il y aura des ruptures. Il faut s’adapter à des contextes politiques de plus en plus difficiles. À des populations de de plus en plus démunies parfois complètement perdues dans le cas des populations déplacées par exemple au Burkina Faso. S’ajoute à cela les problèmes du changement climatique que l’on ne peut pas nier au Sahel et qui nous impose des basculements au niveau de l’agriculture vers des cultures plus respectueuses de l’environnement moins consommatrice d’eau.

Le problème de déforestation est aussi un problème qui doit être pris en compte au sein de nos projets dans notre cas nous participons à notre échelle à la ceinture verte en plantant un maximum d’arbres, et nous allons proposer des fours améliorés pour éviter la Coupe des arbres qui restent.
Il est donc indispensable que les projets soient totalement systémiques, sinon rien ne fonctionnera et les gens n’atteindront pas d’autonomie.

A Vuur au Burkina Faso le paysage change en verdissant, la prise de conscience la population est forte.
J’aurais du mal à m’arrêter à faire du développement, car cela me plaît.
Tamounte dans 10 ans…
Oh là !! J’ai du mal à me projeter donc j’aurais du mal à m’arrêter à faire du développement, car cela me plaît, mais j’aimerais revenir à Réo et que tout se passe bien.
Propos recueillis par Baltazar Atangana Noah.
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