L’écriture a cette capacité d’exprimer, mieux que des paroles, notre ressenti, notre vision du monde, nos convictions ; et ce, même lorsqu’on ne le souhaite pas.
Lorsqu’on parle de crise, on pense tout de suite à celle sanitaire de la Covid-19, qui a ébranlé le monde en 2020 et dont les répliques continuent à se faire sentir une année plus tard, tel un séisme.
Il est plus aisé d’affronter et de se débarrasser d’une peur exprimée, c’est un fait. Par ces temps de crise, il est donc naturel de recourir à l’écriture. Ceux qui n’ont pas l’habitude de la pratique sont invités à le faire par les coachs qui pullulent sur les réseaux sociaux. C’est clair, écrire est la pratique plébiscitée par tous les afficionados du développement personnel.
On écrit, on se raconte, on s’interroge sur nos vies, on se projette, on se rêve. De nombreux blogs ont éclos dans le monde en partie confiné et tournant au ralenti. De nombreux ouvrages aussi. Plusieurs d’entre nous avions plus de temps pour lire. A titre personnel, mes étagères ont ployé après l’accueil de nouveaux livres à lire. J’ai beaucoup lu, poèmes, romances, thrillers … mais j’ai peu écrit. Bien moins que les semaines et les mois où je courais après le temps à cause de mes obligations professionnelles. Je n’étais pourtant pas en panne sèche d’idées. Non.
La crise nous sort de notre quotidien bien huilé, nous met dans l’inconfort. Si certains y voient un tremplin pour visiter d’autres hauteurs, d’autres y voient un creuset où on s’enfonce à chaque mouvement que l’on fait. Ceux-là ont besoin d’une bonne dose de normalité pour écrire, comme si la crise non contente de les enfermer chez eux, emprisonnait aussi leur créativité. La routine leur est bénéfique. La routine les sécurise. Ecrire pendant la crise devient alors, pour eux, une pente raide à dévaler. Il leur faut recréer une bulle de normalité pour retrouver leur plume, retrouver une certaine forme d’équilibre dans le chaos, faire preuve de résilience.
De mon expérience personnelle…
Pour ma part, il m’a été impossible d’écrire pendant les premières semaines du confinement. Mon stylo était grippé et mon clavier grinçait à chaque frappe. Mes projets d’écriture sont restés soigneusement enfermés dans ma tête, malgré l’effort que je mettais à me motiver pour les sortir. L’horizon flou de sortie crise, les informations toujours plus alarmantes jetaient un brouillard épais sur ma créativité. La réécriture m’a été salutaire. Je n’arrivais certes plus à écrire quelque chose de nouveau, mais je pouvais peaufiner d’anciennes histoires.
Les temps de crise, s’ils représentent un frein pour les routiniers, sont source d’une multitude de sujets sur quoi écrire. Les actualités vous rebattent sans cesse les oreilles sur les chiffres, les analyses, les reportages des survivants de la crise… Il y a donc de quoi écrire, de belles histoires à raconter, un message d’espoir à porter pour les plus optimistes. Une peinture de toile apocalyptique pour les autres. L’écriture est prolifique. Les articles et chroniques de journaux abondent. La crise est un sujet qui fait autant peur qu’elle fait vendre. Les gens ont besoin de connaître les tenants et les aboutissants, les analyses, les théories. S’il y a bien un secteur qui ne chôme pas en période de crise, quelle que soit son origine, c’est bien celui des médias. A l’époque des grandes guerres occidentales, de nombreux journaux ont vu le jour et des carnets de guerre ont été publiés. Ça a aussi été le cas pendant cet épisode covid-19 !
Les paroles s’envolent, les écrits restent…
Ecrire en temps de crise a ce pouvoir particulier de tracer le vécu, d’imprimer des émotions, des ressentis, afin que nul n’oublie. Les articles et les journaux de bord écrits durant l’année 2020 pourront ainsi raconter dans quelques années ce qu’a été la crise du Coronavirus. Comment les gens ont vécu et quelles sont les nouvelles formes de mutations sociales qui ont fini par être homologuées. Avec l’avènement des réseaux sociaux et des blogs, écrire est désormais, pour certains, une belle occasion d’affirmer leur point de vue socio-politique. L’on pourra ainsi donner son avis sur le traitement de ladite crise, sur la manière dont elle est appréhendée par les pouvoirs publics. Celui qui écrit a une voix et peut de façon légitime se faire entendre.
Les paroles s’envolent, les écrits restent dit l’adage. Cela n’est plus tout à fait vrai de nos jours puisque la technologie permet de créer et de garder des souvenirs sous une multitude de supports différents, mais l’écriture reste la meilleure façon de partager son vécu. Mieux, de participer au rétablissement de l’équilibre du monde en plein mouvement.

Chrime Kouemo
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