Les supplices de la chair, drame érotique de Caroline Meva, est paru en janvier 2019, aux éditions Les Lys Bleu.
Septuagénaire, Madeleine Belomo que tout le monde appelle Mabelle est malade. Au crépuscule de sa vie, il lui remonte des souvenirs de son enfance, de sa jeunesse et de son expérience de courtisane. Mabelle a grandi à Nkanè, un quartier mal famé de la capitale Camerounaise. C’est là-bas que, jeune fille, elle a fait ses classes malgré elle, au début. Et plus tard au prix de son corps qui en pâtira littéralement. Mabelle gravit donc les échelons. Et c’est ainsi qu’elle passe de prostituée de luxe à maquerelle. Son ascension dans le milieu, elle la doit aussi aux hommes qu’elle a rencontrés. Notamment Boniface Talla, un ancien client, qui deviendra son mari; Martin Eding grâce à qui elle sera plus tard femme d’affaires et connue des hautes sphères, et Hannes Van Mappen un homme blanc, friand des expériences lubriques qui l’incitera à explorer l’univers du sadomasochisme et à devenir dominatrice. Un personnage qu’elle saura incarner, car elle éprouve parfois du mépris pour les hommes. Adolescente, elle a été introduite aux plaisirs du sexe à travers un viol incestueux. Enfant perturbée par ce crime et aînée d’une famille secouée par les violences de son père sur sa mère, c’est donc en réalité un traumatisme qu’elle traîne. Mais plus tard, Mabelle se surprendra être amoureuse d’un plus jeune qu’elle, Hervé Malo, le collègue de son fils Eric-Martin.
Pour raconter l’histoire de Mabelle, l’auteure n’hésite pas à peindre le cliché des prostituées qui se décapent la peau pour « passer sur le marché ». Un phénomène déplorable dans nos sociétés Africaines, qui traduit un sentiment nié d’infériorité des personnes à la carnation foncée. Mabelle est donc cette tapin qui correspond à l’image que l’on se fait vulgairement. L’écrivaine s’attarde également sur les espaces, qui aident à mieux comprendre le contexte. À l’exemple de Nkanè un nom de lieu inventé mais aussi Melen, Tsinga ou encore Bastos, un quartier huppé de Yaoundé où Mabelle se livrait à ses activités de proxénète et de sadomasochiste, pratique sexuelle très souvent tabou dans plusieurs sociétés africaines. À côté de la prostitution, les supplices de la chair, c’est aussi un roman qui traite des thèmes sociaux comme la jalousie, la polygamie, la sorcellerie, de violence dans le foyer et même la prostitution infantile.

À la fin de la lecture des 179 pages de ce roman érotique, on pourrait penser que la prostitution est indubitablement la seule issue pour une jeune fille ambitieuse de sortir sa famille de la misère et de finir par rouler carrosse. Car Mabelle, jadis à la plastique séduisante, a vécu une sexualité libre et c’est grâce à cela qu’elle a pu devenir riche. Toutefois, l’héroïne lance un cri de détresse et appelle à la lucidité des femmes qui font de leur physique leur gagne-pain. Septuagénaire, arrière-grand-mère et en fin de parcours, elle regrette sa beauté qui n’a pas échappé au temps, et son franc succès auprès des hommes. Mais Marie Madeleine Bbelom, mieux Mabelle, a fini par accepter les symptômes de la sénilité avec sérénité. Elle aura certes amassé » biens matériels, pouvoir et gloire » mais elle aura compris « qu’à eux seuls ils ne suffisent pas au bonheur ».
Carole Larissa Etongo