Publié en 2021 par Shammah Editions, Brisé… mais transformé : l’espoir dans la ruine est le premier ouvrage de Rouillon Ndabu Lubaki. Educateur chevronné, l’auteur est un enseignant très impliqué auprès de ses élèves, et profondément ancré dans le secteur associatif (co-fondateur de deux associations). Leader et rôle model, il n’a pas hésité à se mettre à nu sans artifice, afin de nous dépeindre sa vie à travers ce roman autobiographique.
« L’épreuve est bonne, elle enrichit. L’épreuve éduque l’âme » Jean Dutourd.
Bien que ce livre soit émaillé de nombreuses citations aussi profondes les unes que les autres, cette dernière à laquelle l’auteur se réfère, en toute fin de son livre, est de celles qui vous marque !
A travers « Brisé… mais transformé, l’espoir dans la ruin », Rouillon Ndabu Lubaki nous transporte dans le tourbillon de sa vie jonchée d’embûches. De Kinshasa à Lubumbashi, Matadi, Paris puis Tours, au fil des pages, avec lui, on tombe puis on se relève…
Brisé… mais transformé : l’espoir dans la ruine. Des débuts idylliques…
C’est en 1977 que Rouillon voit le jour à Kinshasa. Premier fruit de l’amour de ses parents, il est ainsi prénommé en hommage à Monsieur Philippe Rouillon, ami très proche de son père. Ce dernier évoluant alors dans un environnement qui ne laissait rien présager de ce que l’on découvre au fil de ses écrits.
Il grandit dans l’insouciance et la gaîté, entouré des siens, mais à l’âge de 4 ans sa mère Maman Marie- José quitte le domicile conjugal, lasse des nombreuses incartades de son époux. Dès lors son quotidien ne sera plus jamais le même.
Alors qu’aucune explication ne lui est fournie suite au départ soudain de sa mère, son père multiplie les conquêtes et a de nombreux autres enfants : il a donc autant de mamans et de frères dont il est l’aîné.
Bien vite, la nouvelle compagne « principale » de son père, Maman Berthe, s’installe avec eux. Mais au fond de lui sa joie l’a quitté, laissant place à une angoisse désormais constante : celle d’être de nouveau abandonné.

« Mais tout le monde sait que les adultes n’ont pas besoin de l’avis des enfants pour avancer dans leurs projets de vie » p. 9. Voilà qui donne une claire perspective de l’absence de prise en compte des opinions et souhaits des enfants dont il fait partie par les adultes qui l’entourent, cela quand bien même ils en seraient les premiers affectés.
Alors que sa tristesse et son calme ne semblent pas alerter son père, Rouillon ne vit que pour plaire à ce dernier. Il a tôt fait de comprendre que ses résultats scolaires, son obéissance et le fait d’être un modèle pour ses cadets est tout ce que ce qu’on attend de lui. Aussi s’y attèle-t-il et ne ménage-t-il pas ses efforts, au détriment de sa quiétude et de sa santé psychologique. : « Mon épanouissement personnel passait après la satisfaction de mon père » p.14.
Le vide identitaire grandit en lui année après année, alors qu’il tâche d’être à la hauteur des attentes d’un père peu loquace qui ne lui manifeste que très peu d’attention. En effet, « Ecouter les enfants, leur exprimer leur amour, leur affection, s’intéresser à leur préoccupation ne font pas partie de ce job ni du contrat de parentalité », p.16.
Se sentant chaque fois un peu plus abandonné et las de soupirer après une communication et une affection qu’il ne reçoit pas, il trouve refuge dans sa foi et la communauté chrétienne qu’il fréquente. Cela lui permet de faire face au départ de son père pour la Belgique alors même qu’il le vit comme un énième abandon. Néanmoins il n’a pas d’autre choix se dit-il que de continuer à donner le meilleur de lui, bien que la cellule familiale ait volé en éclats et les conditions de vie dégradées : autant de challenges auxquels il est confronté et qu’il se sent obligé de relever pour mériter enfin l’amour de son père dont le départ lui permet toutefois de s’émanciper émotionnellement.
Lorsqu’après plusieurs années d’absence son père est de retour à Kinshasa, Rouillon espère pouvoir se rapprocher de lui et voir naître entre eux une relation père fils à la hauteur de ses espérances. Que nenni : il a toujours le sentiment de ne pas être une priorité pour lui. D’autant que très vite il réalise que du fait de nouvelles contraintes financières, son père est particulièrement (pré) occupé et doit se remettre à flot. En effet, le retour au pays est difficile, et l’instabilité politique n’est guère propice aux affaires.
A tel point que son père est obligé de réaliser un repli stratégique et retourner vivre chez ses parents le temps de se refaire une santé financière. Si cela est le fruit d’une mûre réflexion et que les grands parents sont ravis de cohabiter avec leur fils et petits-fils, ce n’est pas évident pour autant au quotidien. Néanmoins cette situation présente un avantage non négligeable : le rapprocher géographiquement de sa mère biologique, Maman Marie-José qu’il n’avait pas eu la chance de connaître véritablement après son départ du foyer conjugal. Petit à petit des liens se tissent, l’amour est exprimé, toujours de manière pudique mais bien réelle.
A peine a-t-il le temps de s’habituer à cette nouvelle configuration que la vie redistribue les cartes : son père tombe malade et son état empire rapidement. En sa qualité d’aîné, Rouillon prend les dispositions nécessaires pour l’assister et faire revenir son épouse, Maman Berthe qu’il aime tant. Mais malgré sa foi et tous les soutiens dont il a pu disposer, la mort sera la plus forte…. Après la sidération, l’angoisse et le désespoir, Rouillon décide de s’en remettre à Dieu pour affronter cette difficile épreuve. Ne dit-on pas qu’il est le père des orphelins ? Alors il prendra soin de lui !
Ce qu’il fit d’ailleurs en lui ouvrant des portes qui lui permirent de continuer ses études et subvenir à ses besoins. Mais ce répit ne fut que de très courte durée car à peine six mois après le décès de son père, la faucheuse s’invita de nouveau dans sa vie, emportant brutalement Maman Marie-José. Cette fois, ça en fut trop ! « J’eus l’impression de devenir fou. Toute la douleur de la mort de mon père refait totalement surface. Et s’il est vrai que je n’ai pas eu beaucoup de mal à me rendre compte de la mort de mon père, je ne pouvais admettre celle de ma mère », p.93.
En colère contre la vie, contre les médecins, contre Dieu, contre tout, pensant même au suicide, Rouillon fut brisé mais ignorait encore qu’il n’était pas au bout de ses peines.

La France, l’école de la vie.
Sa demande d’inscription à l’Université de Tours ayant été acceptée, il s’envole pour la France où il va commencer une nouvelle vie. Très rapidement livré à lui-même en terre inconnue, il doit relever les défis communs aux immigrés. Prendre connaissance, s’adapter, anticiper, réussir dans cet environnement inconnu voire quelquefois hostile…
Lui qui avait toujours vécu entouré des siens se retrouve seul et fait face à l’échec scolaire à répétition, aux difficultés administratives et aux nécessités économiques ; le tout avec en toile de fond la responsabilité de ses petits frères/ sœurs laissés à Kinshasa à qui il se devait de montrer l’exemple.
Porter autant de pression sur ses épaules s’est avéré être une charge extrêmement lourde, dont la solitude n’a fait qu’accentuer le poids. La rencontre de Coline qui deviendra sa femme lui apportera une bouffée d’oxygène mais celle-ci fut de courte durée, ce mariage se soldant par un divorce alors même qu’il se trouvait déjà dans une situation délicate.
Se pouvait-il que Dieu l’ait abandonné ? cela signifiait-il qu’il n’avait pas droit au bonheur ? Pourquoi était-il sans cesse abandonné par ceux qu’il aimait ? la bible ne disait-elle pas que tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu ? Lui l’aimait assurément alors pourquoi était-il autant éprouvé ? calomnié et montré du doigt ? qu’avait il fait pour mériter cela ? que lui réservait la vie ? d’ailleurs lui réservait elle seulement quelque chose de bon ? Après toutes ces épreuves serait-il seulement en capacité de les voir et de s’en saisir ?
Alors qu’il avait décidé de ne plus se préoccuper de tout cela, ce qui devait arriver arriva. Naturellement, doucement, son amitié pour celle qui n’était jusque-là que l’amie d’une amie se mua en amour. Echaudé, il résista tout d’abord mais finit par se rendre à l’évidence : il avait trouvé l’os de ses os, la chair de sa chair.
Un espoir qui jamais ne meurt
Ce roman autobiographique est un véritable roman d’apprentissage. L’on y voit l’auteur évoluer et mûrir un peu plus à chaque étape qu’il traverse, tirant des leçons qu’il partage avec nous, lecteurs.
La palette d’émotions parcourue est tellement vaste et dépeinte avec tant d’honnêteté et de simplicité que l’on s’y retrouve forcément à un moment ou à un autre.
En effet, lequel d’entre nous n’a pas été ce petit enfant qui se sent incompris et aimerait être écouté ? Lequel d’entre nous n’a jamais expérimenté la peur de l’abandon et la sur-adaptation afin d’obtenir un peu d’amour ? La colère face à ce que l’on considère comme une ignoble injustice ? Mais la colère contre Dieu est-elle seulement concevable ? Oui à n’en point douter elle l’est ! Comment réagir autrement face à cet enchainement de décès, à ces échecs répétés ? À cette vie de couple qui se termine avant même d’avoir commencé ? À cette autre que l’on veut tuer dans l’œuf ?
L’auteur nous révèle que sa force, il l’a puisée dans la Parole de Dieu, se rappelant à chaque occasion que tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir. Il nous invite à faire de même et à considérer que toutes ces épreuves et brisements ne doivent pas être perçus comme des raisons de rester à terre lorsque nous tombons car les épreuves nous forgent et nous poussent à grandir.

Puissions-nous cesser de croire que la vie est un long fleuve tranquille et faire face aux épreuves avec la même résilience : éprouvés certes, mais jamais ébranlés.
« Les blessures, les épreuves et les tempêtes, font partie de la vie. Aucune de ces épreuves ne m’ont épargné. Mais rien ne m’a ébranlé. Tantôt debout, tantôt à genoux, je ne me suis pas laissé abattre… »
Merveilleux message d’espoir pour ce premier opus, qui, nous l’espérons, ne sera pas le dernier !
Erna Ekessi, Chroniqueuse littéraire

Be the first to leave a review.
Your browser does not support images upload. Please choose a modern one